ALAIN NE SORT JAMAIS SANS JACQUELINE…
On pourrait le prendre pour une grosse brute mais au cœur tendre. Du haut de ses 1,80m voire 1,90 et bien dans ses godasses avec ses 96kg, il domine son monde : celui de la pêche où les truites lui font des pieds de nez ; celui du jardinage où taupes, pucerons et autres êtres indésirables n’ont qu’à bien se tenir et celui de la randonnée où une bande d’admiratrices le suit les yeux fermés.
Sa vie, Alain l’a menée tambour battant. D’abord comme mécano, pendant une quinzaine d’année, comme son papa Eugène. « Il fallait trouver un métier. A cette époque, à 14 ans, on était au boulot ! » Puis il laisse la clé à molette pour prendre le volant. Celui d’un poids lourd, « chargé de matières dangereuses », où il règne en maître dans la cabine, faisant rugir les chevaux de son bolide.
Une période où Monique, sa Monique, fait irruption dans sa vie. Pas bien grande la Monique, mais avec un caractère bien trempé, façonné par ses journées passées derrière un bar, pas de ligne, mais à bière où elle mène sa clientèle à la baguette. « C’était dans les années 69-70 », soupire Alain. L’occasion de tourner une nouvelle page du livre de sa vie.
Plus de routes qui défilent, plus de caisse à outils mais une caisse enregistreuse dans un premier estaminet qu’ils rachètent à Langrune-sur-Mer. « Nous y sommes restés un peu plus de sept ans », précise Alain. Ce que confirme Monique, pas bien loin de son chevalier servant. « Puis nous sommes arrivés à Agneaux, au Pénalty, à côté du stade, pendant sept ans. » L’heure où la retraite sonnera pour le couple qui rejoindra, à temps complet, son nid douillet construit, non loin de là, à Hébécrevon. De cette union, naîtront trois enfants : Nathalie, David et Christèle. Et, bien-entendu, des petits enfants qui font actuellement leur bonheur.
Passionnant et passionné, Alain mène plusieurs vies. Celle de retraité, d’abord, qui lui permet de partager chaque jour la vie de l’élue de son cœur. Puis celle de pêcheur, en étang comme celui de Marigny, en rivière comme la Terrette ou en mer, avec son ami Maurice, ancien boulanger, plus spécialiste de la miche bien croustillante que du maquereau à la queue frétillante. « J’adore le calme du bord de l’eau », reconnaît Alain. « Même si le poisson ne répond pas toujours à mes sollicitations et reste imperturbable devant les leurres que je lui propose. »
La pêche, « j’y allais déjà étant gamin », sourit-il. « Je mettais des lignes de fond, mais faut pas le dire ! J’avais 13-14 ans. On habitait Le Molay, à côté d’une rivière. Il suffisait de traverser un champ. Notre vie professionnelle et familiale ne m’a pas permis d’y aller pendant plusieurs années. J’y retourne depuis la retraite. »
Sa troisième vie, il la passe dans son jardin. Potager et floral. Chez lui, pas une herbe ne trouve la place pour s’imposer. Pas une taupe n’oserait y creuser une galerie. La couleur y règne, les odeurs parfument l’air, les insectes sont les bienvenus et les oiseaux y font bombance, dans la mangeoire installée devant la fenêtre de la cuisine, histoire de ne pas les perdre du vue. « Surtout les corbeaux ! Ils se permettent tout et empêchent les plus petits de manger. » Il fait les gros yeux aux intrus, M’sieur Alain.
Le jardin, « il a toujours fait partie de ma vie », reconnaît-il. « Dans notre première maison, il était tout petit », précise Monique, fier de son mec. « Heureusement d’ailleurs : il n’avait pas beaucoup de temps pour s’en occuper. » « J’ai appris à cultiver les plantes dans les bouquins, mais mon père cultivait son jardin, comme beaucoup à cette époque. »
« Il faut savoir donner dans la vie… »
Pour lui, jardiner, c’est avant tout pour faire plaisir aux amis. Impossible de repartir de chez ce couple au cœur sur la main sans betteraves, salades, choux… Le plaisir de faire plaisir se lit dans leurs yeux. Le plaisir de partager, de rendre heureux le voyageur de passage est pour eux une raison de vivre. « Il faut savoir donner dans la vie… », proclame Monique du haut de son mètre… un peu plus quand même !
Quant à Joie et Santé, c’est à travers « notre belle-sœur que nous y sommes arrivés », reconnaît Monique. « Elle nous a inscrits », ajoute Alain. « Et, de fil en aiguille, nous nous sommes mis à chercher de nouveaux itinéraires. Ils étaient plus petits à l’époque : pas plus de 6 km. »
Joie et Santé, « c’est le plaisir de rencontrer des gens, de partager des moments conviviaux. Nous sommes une bonne équipe à la tête de l’association. Ce sont des moments et des gens importants pour moi ! »
« On ne va pas rester assis dans le canapé toute la journée… », proclame Monique, bien campée dans ses deux sabots.
Monique et Alain, Alain et Monique : ne semblent-ils pas ne faire qu’un ces deux-là ? Rarement l’un sans l’autre, ils font parties de la vie des randonneurs de Joie et Santé, ils font parties de la vie des gens à qui ils ouvrent généreusement leur porte. Ils font partie de ces gens, de ces personnes pour qui ouvrir son cœur, ouvrir ses mains n’est pas que des paroles en l’air.
P. LAISNÉ