Avec les couteaux et les casseroles : Emilie joue du piano debout !
Elle aime jouer Emilie. Elle aime jouer avec les couteaux, les poêles, les casseroles et tout ce qui ressemble à un ustensile de cuisine. Elle aime toucher et mettre en valeur les produits que des passionnés comme elle se tuent à produire.
A 38 ans, avec un mari, deux enfants et des kilos de pomme de terre épluchés, sa passion reste intacte : « La cuisine, c’est ma vie, ma passion… » Une passion venue « toute petite. En aimant les bonnes choses et en aimant manger. J’ai commencé par aider maman en cuisine puis j’ai volé de mes propres ailes. Ça a commencé avec les plats familiaux. »
Pour être une bonne cuisinière, « il faut aimer donner son temps pour les autres… »
Après un apprentissage effectué à Villedieu et des années passées derrière les fourneaux du Fruitier, elle décide de tourner une page. De donner plus d’importance à sa famille et à ses enfants : « Ma priorité ! » Et ses yeux brillent.
« Je serai fière de moi ! »
Sa passion dévorante pour la cuisine mais qu’elle maitrise du bout des doigts, comme les pincées de sel ou autres condiments qu’elle incorpore pour faire de ses plats des compositions que les enfants s’arrachent, c’est à la cantine d’Hébécrevon qu’elle décide de la faire mijoter. « C’est une cuisine qui n’a rien à voir avec celle d’un restaurant. Mais on se fait plaisir quand même. Il ne faut pas oublier que c’est nous qui développons le goût des enfants d’aujourd’hui pour des adultes de demain. On leur apprend à aimer de nouvelles choses. On y arrive en leur demandant simplement de goûter, et ça marche ! » « Ils disent : humm c’est bon, j’en veux Emilie. Et le pari est gagné ! »
Et la créativité dont parlent tous les grands chefs, elle vient comment ? « C’est l’imagination que l’on peut avoir. Comme un enfant qui sait jouer et s’inventer des histoires. Construire un plat prend un peu le même chemin. Ce sont des dizaines d’essais, il ne faut pas s’arrêter dès qu’il y a un échec. On remonte les manches et c’est reparti. »
Dimanche, dans les cuisines de salle Savador Allende, à Saint-Lô, Emilie était « la » cheffe. Bien ancrée dans ses godasses, sûre de son savoir acquis aux cours des années de pratique, organisée comme un agenda, elle a manager en patron une équipe de serveurs, tous bénévoles et sans compétences spéciales, mais acquis à sa cause. Elle a régalé les papilles de plus de 160 personnes en valorisant un repas concocté par son mentor. « Il y a une goute de sauce sur l’assiette, il faut l’essuyer… », entend-t-on en tendant l’oreille à la porte.
Cette cuisine de chef, qu’elle a connu pendant de nombreuses années, elle le reconnait, elle lui manque : « J’y retournerai peut-être. Je m’y suis épanouie pendant 18 ans. Ce côté adrénaline qu’il y a dans la restauration est un vrai produit dopant. Mais aujourd’hui j’ai ma vie de famille et c’est le plus important. C’est un métier où on ne peut pas concilier les deux ! » On peut sacrifier un métier, une passion pour une vie de famille ? « Oui parce qu’on ne l’aura qu’une fois. » « Quand mes enfants seront grands, pourquoi ne pas retourner dans la grande restauration. Mais avant, je veux les voir grandir… »
Une journée comme ce dimanche, ça va t’apporter quoi ? « Une grande satisfaction d’avoir pu contribuer à faire plaisir à des gens. C’est mon plaisir personnel. Voir les gens heureux ! »
Lundi matin, retour dans la cantine de ton école. Il va falloir se remettre au travail, un autre travail ? « Non, le même, mais avec des convives différents. J’aurai fait le plein de motivation, je serai satisfaite du travail accompli. Je serai fière de moi ! »
Tu peux être fière de toi Emilie. Moi je rêve d’une chose : retomber dans l’enfance pour venir tous les midis manger dans « ta » cantine.
P. LAISNE