« Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dan l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air. »
Charles Baudelaire
Nous sommes la seule espèce animale qui se raconte toujours des histoires, pour survivre, avancer, grandir, élever ses enfants, vivre au quotidien, surmonter l’adversité, transmettre se aventures et ses valeurs. Alors, que vient faire notre corps dans ce qui n'a l’air de concerner que notre tête ?
Depuis qu’on imprime, on parle aussi du corps de nos caractères, de leur style et de leur taille, mais par ailleurs, cette histoire de chair traverse tous nos écrits de multiples façons.
Dans le langage, dans notre façon de nommer les évènements de notre vie, le corps est partout. Il fait état d’une émotion, d’un sentiment, d’une description : on se sert de lui pour faire ressentir plus fortement ce qu’on veut exprimer.
Avoir les yeux plus grands que le ventre, être une langue de vipère, avoir la tête dans les nuages, faire des pieds et des mains, avoir le diable au corps, avoir les choses en main, coûter les yeux de la tête, être de mauvais poil… N’en jetez plus et parfois même, nos murs ont des oreilles.
Vous l’avez remarqué, nos maux mêmes sont empreints de nos mots et inversement : en avoir plein le dos, l’avoir dans le nez, rester sans voix, se faire de la bile, l’avoir en travers de la gorge, être mal dans sa peau, en avoir gros sur le cœur.
Dans de nombreux cas, naviguant de l’univers de mots à celui de notre carcasse, on tente de faire éprouver à l’autre ce qui nous tenaille, par le biais du langage. Mais peut-on réellement décrire le goût d’une orange à celui qui n’en a jamais mangé ? On pourra lui vanter l’amer, l’acide, l’aigre, le doux, le sucré, le fluide, le fruité, mais tant qu’il ne l’aura pas expérimenté avec ses propres papilles, notre description restera approximative, même si elle est subtile.
Et vous, votre corps, il va comment ? Il vit ? Il exulte ? Il est content ? Il réagit ? Est-il vous, au moins ? Et si on arrêtait de décider pour lui ; si on le laisser vivre sa propre vie, comme il en a envie ? A votre corps défendant !